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Libération
Critique

Scorsese fait sauter «Casino»

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Pour empoigner le mythe Las Vegas, Martin Scorsese rebat les cartes de son cinéma. Si «Casino» ressemble à un chef-d'oeuvre c'est justement parce qu'il récapitule tous ses films marquants.
publié le 13 mars 1996 à 2h51

Casino s'ouvre et se termine sur des explosions et conflagrations: voiture piégée, casingue obsolète qu'on démolit. Fin d'une époque? Possible, mais pas que ça. Toute conflagration procède d'une compression, et Casino est, bizarrement pour un film de trois heures, construit sur le principe de la compression: tous ses excès, sa virtuosité, jusque dans son incontinence narrative, reflètent ceux des personnages. Nicky Santoro (Joe Pesci) est de plus outrageux dans ses exactions. Ace Rothstein (Robert De Niro), le zombie des chiffres, se découvre une vocation de King of Comedy. Et c'est justement quand on croit que tout est dit (très tôt) que Scorsese en rajoute une louche, puis carrément la pelle, et jette la pelle dans le trou (les fameux trous dans le désert où sont enterrés tous les secrets de Vegas). Tout ça dans un film nommé Casino, dans une boîte nommée Tangiers. Or, on sait que par expédient à la fois juridique et scénaristique, le casino inventé par Scorsese est une compression de quatre vrais établissements réellement contrôlés et écrémés par la Mafia dans les années 70.

Ayant dès le départ tué tout espoir de suspense ou de «trame» conventionnelle selon un dispositif déjà expérimenté dans les Affranchis, Scorsese et son scénariste n'ont de cesse que de rajouter de l'histoire, comme on bourrerait hâtivement une valise finalement trop petite malgré les moyens mis en jeu. C'est ce jeu savant sur les frustrations et le seuil de tolérance du spectateur qui fait de Casino un