Matthew Modine n'a jamais été dupe. Il dit s'être laissé convaincre par les bouffées de passion qui prenaient Abel Ferrara quand celui-ci détaillait, des heures durant, au téléphone, le projet de Blackout. Il ne se raconte toutefois pas d'histoires sur les raisons d'un tel empressement: «Il voulait se servir de moi. Jouer avec mon image. Me pousser dans mes retranchements. Pour le public, je suis à des années-lumière de ce personnage en descente libre dans l'alcool, la drogue"» Pour les flâneurs qui le suivent vaguement du regard dans les parages d'une plage cannoise, Matthew Modine est toujours Birdy. Au mieux.
Il traverse la Croisette sans se faire épingler. Pull bleu pâle, pantalon bleu pétrole coupé droit, cheveu court, il a retrouvé son allure sage d'étudiant poussé en graine et garde à la main, comme un Caméscope, la précieuse caméra avec laquelle il a tenu son journal de bord pendant le tournage du Full Metal Jacket de Kubrick («Passionnant. J'en ferais bien un livre, mais je ne suis pas sûr qu'il apprécie.») Quinze jours de tréfonds. A l'heure de la rencontre, il n'a toujours pas vu le film de Ferrara et retrouve l'inconfort qui l'habitait à la lecture du synopsis. «Pendant les rushes, quand je m'entendais dire des trucs comme "par quelle bite malade tu t'es fait fourrer, j'avais envie de rentrer sous terre. Au début, j'ai refusé le rôle. J'ai fait lire le script par des amis. Les femmes étaient séduites, les hommes trouvaient ça trop dangereux. J'ai fini par me laiss