Sur le coup, on ne relève pas. Sous les lierres d'un jardin des beaux quartiers, la conversation de Jeremy Irons, sa voix basse et pénétrante, le rythme harmonieux d'un accent de l'Oxfordshire, sont un piège auquel on se laisse facilement prendre. Peut-il répéter? «Le rôle qui m'a beaucoup apporté ces dernières années, c'est celui de Scar dans le Roi lion de Walt Disney.» S'il s'amuse du paradoxe, il n'en montre rien; il marque un temps de réflexion sans ostentation, considère avec intensité le cendrier qu'il a soigneusement installé devant lui pour y éteindre les cigarettes à la chaîne: «J'ai été surpris de voir comme je pouvais emmener un personnage ailleurs à l'aide de ma seule voix. De constater à quel point je me sentais libéré de jouer sans qu'on me voie.» Le bel ensorceleur voudrait qu'on l'oublie. Mais les studios Disney aussi l'avaient choisi pour sa gueule. Le lion retors et tyrannique auquel il prête sa voix est dessiné à son image («J'ai toujours été intrigué par son regard sombre et sa chevelure», déclarait l'un des auteurs du dessin animé). Un doyen des cours de théâtre, à la fin des années 70, avait pourtant prédit au jeune Jeremy que sa pâle figure distinguée et magnétique, qui lui vaut d'être traité en star, reçu en milord dans les clubs de la vieille Angleterre et les salons new-yorkais, le tiendrait éloigné du succès: «Dans les années 30, tu aurais fait fortune, disait le professeur, mais ton visage ne colle pas à l'époque, trop long, trop raffiné"»
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