Tous ceux qui n’ont pas vu le film le connaissent déjà. on s’en raconte les séquences les plus spectaculaires comme autant de morceaux d’anthologie: l’attaque du village vietnamien par un lieutenant-colonel fou de surf sur «la chevauchée des Walkyries» diffusée par hélicoptère deux kilomètres avant d’atteindre la cible; le pont de Do-Lung où les soldats noirs combattent sans officiers pour un objectif définitivement absurde sous le regard candide du jeunet qui a pris pour l’occasion son dernier trip d’acide; les Bunnies qui dansent à Hau-Phat pour deux mille marines déferlant sur la scène dans une émeute apoplectique; l’empire de Kurtz, temple d’Angkor hyperréaliste sur fond de têtes coupées.
Et pourtant, sachant tout, vous ne savez encore rien. On vous a promis le film des films, l'apothéose démentielle du spectacle, la guerre comme si vous y étiez, un monstrueux délire de folie et de mort où les acteurs eux-mêmes ne distinguaient plus la fiction tournée de l'horreur présente (deux exemples: certains figurants vietnamiens utilisés pour une séquence sur le fleuve où leur bateau est mitraillé par la patrouille américaine étaient eux-mêmes des boat people réfugiés depuis quinze jours aux Philippines; les hélicoptères philippins loués à Coppola quittaient de temps à autre le tournage pour aller arroser de roquettes cette fois bien réelles les maquisards musulmans en rébellion dans le sud du pays): on ne vous a pas menti. Le film pulvérise sa légende. L'apocalypse est dans l'Apoc