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Libération
Interview

Jean-Luc Godard: «Faire un film, c’est renoncer à tout»

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En 1998, le cinéaste livrait à «Libération» ses points de vue de cinéaste sur son œuvre et sur le monde.
Image extraite du documentaire Scénario du film Passion (1982). (DR)
publié le 7 octobre 1998 à 13h31
Quel lien voyez-vous entre le livre et les vidéos d’«Histoire(s) du cinéma» ?

Mon travail, je dirais que c’est une ethnologie, une échographie, mais pas juste du cinéma, parce que les gens méprisent beaucoup le cinéma. C’est comme dans les romans de Maupassant, où il y a la bourgeoisie qui est à table et puis la fille de cuisine à côté. Il y a quelque chose de souillé avec ces gens-là, on peut tromper sa femme avec une fille de cuisine, mais jamais épouser la fille de cuisine, à part des cinglés, si vous voulez. Au cinéma, il y a ce côté-là. La télévision est honorable, le cinéma n’a jamais été honorable. C’est ce que j’ai compris une dernière fois en étant refusé au Collège de France. Moi, je cherchais un petit boulot régulier, bien payé jusqu’à la retraite.

Le livre a été fait après les films. C’est un résumé, une trace, ce n’est pas l’enquête archéologique elle-même. J’ai filmé la guerre de Troie, et puis ça s’est perdu, mais j’avais fait un rapport, et ce rapport est là. Alors on ne voit plus Hector en vrai mais, quand même, on peut voir les choses, peut-être même d’une autre manière parce que ce n’est pas fait comme les livres habituels. C’est ce qui s’est passé pour l’Espoir, de Malraux : il avait fait le film, puis le livre ; et le livre est sorti avant le film. Moi, je ne suis pas romancier, je suis ethnologue. Je voulais aussi faire un livre contre les livres d’art. Fernand Braudel, c’est un historien, on le sent à sa manière de décrire, même s’il n’est pas cinéaste comme moi. Le meilleur livre de Georges Duby, pour moi, c’est Dames