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Libération
En quête du spectateur.

Les festivaliers du deuxième cercle.

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A l'occasion d'une enquête ethnographique qu'ils mènent sur les publics de Cannes, des chercheurs de l'université d'Avignon et de l'Ecole des hautes études en sciences sociales nous livrent chaque jour une page extraite de leur carnet d'observation de la Croisette au quotidien.
publié le 13 mai 1999 à 0h58

A Cannes, il n'y a pas que des stars, des producteurs et des critiques. Ceux-ci feraient plutôt partie d'un décor où c'est le petit peuple anonyme des spectateurs du festival qui engage de passionnantes stratégies pour, dix jours durant, donner au fait d'être au cinéma bien d'autres sens que celui d'«être dans la salle».

Le smoking enfilé à l'arraché dans les parkings, toujours prêts à gratter une invitation de dernière minute pour la soirée d'ouverture, ils sont de retour à Cannes. Chaque soir, ils graviront les marches du Palais à quelques centimètres de Lynch ou de Deneuve, se feront saluer comme tout un chacun par Gilles Jacob, et donneront leurs plus beaux sourires aux photographes officiels. Ces spectateurs-là ne sont pas producteurs, réalisateurs, acteurs, journalistes ou exploitants. Ils s'appellent simplement Yann, Tristan, Eric ou Aurélia et mériteraient d'être honorés tous les soirs sous l'arc de triomphe du spectateur inconnu. Experts de la traque au bon plan pour franchir tous les filtres des soirées très fermées des hauts de Cannes, des fêtes Skyrock ou MTV, ils croient en la petite Ledoyen, trinquent avec Goldblum, sont pris au sérieux par tous les serveurs du Majestic ou du Carlton et se réjouissent à l'idée de pouvoir, cette année encore, se faire bousculer par «l'insupportable» Julie Delpy; cinéphiles de tous les rangs, ils vont à chaque projection comme on va au combat. «Julie Delpy, confie Damien, quand j'la croise, j'la méprise, c'est pas que j'l'aime pas