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Libération
En quête du spectateur (3)

«Deneuve et mon linteau»

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À l'occasion d'une enquête ethnographique qu'ils mènent sur les publics de Cannes, des chercheurs de l'université d'Avignon et de l'EHESS nous livrent chaque jour une page extraite de leur carnet d'observation.
publié le 15 mai 1999 à 1h02

«Linteau: n. m. (1530"). Pièce horizontale (de bois, pierre, métal) qui ferme la partie supérieure d'une ouverture et soutient la maçonnerie.» (Le Robert) Gary est né le 1er septembre 1939 à Cannes. Son père possède une petite entreprise de maçonnerie et sa mère travaille comme femme de chambre au Grand Hôtel; cette année-là, en plus d'attendre son fils, elle espère la visite à Cannes de l'autre Gary ­ Gary Cooper ­ à l'occasion de ce qui devait être le premier Festival de Cannes. En guise de festival, il n'y eut qu'une seule projection: Quasimodo, de William Dieterle. A 5 heures du matin, alors que la mère de Gary a ses premières contractions, la Wehrmacht envahit la Pologne. Annulation du festival reconduit au 20 septembre 1946.

L'entreprise du père de Gary participe à la construction du premier Palais achevé pour le festival de 1949. Gary a 10 ans, sa mère arbore une coiffure à la Rita Hayworth et sert le petit déjeuner à Danielle Darrieux «qui chante tellement bien pour une actrice française». Gary aussi aime chanter. Il reprend les petits airs du festival que son père siffle en revenant des chantiers: cette année, c'est la musique du Troisième Homme, de Carol Reed. D'ailleurs, la mélodie d'Anton Karas aura beaucoup de mal à quitter Gary, même après la mort de son père. Dans les années 80, il se surprend encore à l'entonner, alors qu'ayant repris l'entreprise familiale, il participe à la construction du «bunker», le nouveau Palais. Gary va au cinéma toute l'année; deux à