Ce jour-là, la douleur s'est nichée quelque part autour du nerf sciatique, dotant l'acteur d'une démarche claudicante. A quelques jours de sa rentrée sur les planches, François Cluzet a la peur au dos. La veille, il a eu du mal s'endormir: «Il y a encore dix minutes au milieu de la pièce où je ne me trouve pas bon.» Pour repousser l'anxiété, il parle. Avec les mains, avec les yeux, avec des tics. Les phrases se déroulent, se bousculent, repoussant les silences. Le comédien se soigne par la parole. Depuis six ans, il met ses maux sur le divan du psychanalyste. «Je sors d'une déprime qui a duré trente-cinq ans. Je commence seulement à être heureux.» Pas encore le grand bonheur, «simplement, je ne me réveille plus oppressé le matin». Depuis mardi, il fait rire sur la scène du Gaité-Montparnasse à Paris. Dans Jacques et Mylène , il est ridicule, propre sur lui, cheveux plaqués en arrière. Loin de ses rôles habituels de mec fracassé, il concède: «Pendant longtemps, j'ai fait de ma douleur mon fond de commerce.» Il aimerait bien passer à autre chose.
François Cluzet a sept ans lorsque sa mère quitte son père pour aimer un autre homme. «Avec mon frère, nous avons été pris dans l'entreprise d'autodestruction de mon père. Il a voulu mourir, il a voulu que l'on meure avec lui pour faire revenir ma mère», raconte-t-il. Elle n'est jamais revenue à la maison, et les deux garçons ont grandi, coincés par le magasin de journaux paternel parisien et les marchandages affectifs des adultes. Ins