Un jour, le Nil est une sorte de Boudu sauvé des eaux, de Jonas sortant de la baleine. Première et dernière coproduction égypto-soviétique, ce devait être une grande fresque sur la construction du haut barrage d'Assouan, tout à la gloire de l'électrification et de l'amitié entre les peuples socialistes. Youssef Chahine, qui avait fait la preuve dans Saladin qu'il pouvait se colleter les mégaproductions, s'est donc vu confier le projet. Mauvaise pioche. Au lieu d'un chromo réaliste-socialiste, les autorités ont vu arriver un étrange objet traversé de corps pleins de désirs et de mélancolie où le caméléon alexandrin mêle un montage très soviétique à une mise en scène très hollywoodienne. Censuré, le film a été remonté, sans l'aval du cinéaste, avant de sortir en 1972 sous le titre les Gens du Nil. Heureusement, Chahine en avait fait parvenir une copie à Henri Langlois, directeur de la Cinémathèque.
Que voit-on dans Un jour, le Nil? Que la construction du barrage n'est pas une promenade de santé sur la Volga. Que les femmes d'ingénieurs russes s'ennuient à mourir dans cette société machiste. Que la main-d'oeuvre égyptienne n'a pas droit au chapitre. Que le chantier agit comme une énorme broyeuse de destins individuels. Que les différences de classes ne sont pas solubles dans le socialisme.
Surtout, il montre fait unique en Egypte la disparition de la Nubie, sujet tabou s'il en est. Dans une scène poignante, on voit les villageois quitter leurs maisons à la sauvette, empor