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Libération
Critique

Si près du silence.

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Cinéma. Bien que censuré par Pékin, le film de Wang Xiaoshuai nous émeut.
publié le 4 décembre 1999 à 2h11

Il y a quelque chose de triste dans l'entretien que Wang Xiaoshuai donnait aux Cahiers du cinéma en mai: blacklisté par les studios de Pékin pour avoir réalisé deux films jugés nuisibles, il y racontait comment, à force de renoncement, de discussion et de lassitude, il aura fini par continuer son métier de cinéaste, sa seule respiration. Ce sont les mots de quelqu'un qui n'y croit plus de la même façon, qui se demande si son film, lavé de tout soupçon par trente minutes de coupes, pourra garder en creux son inclinaison subversive, s'il a réussi à trafiquer, s'il est un contrebandier des idées.

On le rassure: la lettre So Close To Paradise nous est bien parvenue, sous l'encre d'un film animé de silences qui en disent assez, de sables mouvants déplacés par trois figures exemplaires: le paysan, le gangster et la putain. Le premier est mutique, jeune et girond mais pas gras-double pour autant, sorti de sa brousse pour nous raconter cette histoire initiatrice à laquelle il assiste, passif même si un rien amouraché: celle de son frère, malfrat minable et bien peu inquiétant d'allure, peut-être parce qu'on le voit se prendre une raclée, allant de bordel en bordel à la recherche d'une «Vietnamienne» maquillée, accablement géographique dont on ne sait s'il s'agit d'une blague raciste ou d'une vérité scénaristique, qui devrait avoir la grâce de l'emmener auprès de ceux qui l'ont si bien arrangé. On s'en doute, une Vietnamienne qui chante, ça a la chanson triste comme d'autres