Au bout de cinq semaines, il s'était perdu. A force de se vouloir antonionien, il était devenu ennuyeux. Tout ce qu'il détestait chez les autres s'était imperceptiblement emparé de lui. Comme une maladie, une fièvre. Le pire, c'est qu'il ne regrettait rien. Comme si le maniérisme, cette hypertrophie de la forme au dépens du fond, comme si cette vilaine manie l'avait contaminé il s'était même pris à aimer ça. Il regarda sa fiche. Il avait programmé Adieu Philippine pour aujourd'hui. Film capricieux, insurpassable, nourri d'arabesques et de méandres, de circonvolutions presque chantées, de fausses improvisations. Celui-là, ni Pialat ni ses disciples, avoués ou honteux, tous ceux qui font partie, qu'ils le veuillent ou non, de l'école Rozier (documentarisme ébouriffé, tradition Buttes-Chaumont, éloge implicite du plus grand cinéaste français de ces trente dernières années, Jean-Christophe Averty -qu'on voit ici, beau comme un jeune homme, hurler au visage de ces techniciens qu'il forme, presque au même moment, presque en direct, comme un professeur forme ses élèves ou ses disciples, comme un vrai maître zen), tous ceux-là n'atteindront jamais la cheville de ce grand dadais chevelu et grisonnant, ce génie rieur qui réussit presque à égaler, par moment, par éclairs, les deux grands maîtres qu'il s'est plus ou moins inconsciemment choisis, Renoir et Mizoguchi.
Un seul regret, au moment de nous absenter quelques jours: manquer l'occasion, pour boucler ce mois de l'ennui, d'y aller