C'est une parfaite distribution des rôles, éprouvée de longue date.
L'Amérique conservatrice fait des victimes, Hollywood en fait des héros. Après Sacco et Vanzetti, Lenny Bruce, Malcolm X (et bien d'autres); en attendant tôt ou tard Mike Tyson, voici donc Rubin «Hurricane» Carter, un innocent qui passa dix-neuf ans en prison et dont l'histoire ne déroge pas à la plus orthodoxe des traditions de bien des Noirs américains de sa génération. Sans trop de souci esthétisant, le film de Norman Jewison a l'efficacité d'un char d'assaut arrivant après la bataille. S'appuyant sur deux ouvrages, le 16e Round, que Rubin Carter écrivit pour sa défense, et Lazarus and the Hurricane, signé par deux Canadiens, Jewison s'écarte peu de ces témoignages. Il en ressort inévitablement un manichéisme tel que le film fut très fraîchement accueilli lors de sa sortie aux Etats-Unis et suscita quelques remous jusque dans la communauté noire. Quant à Denzel Washington, oscarisable, il campe un personnage crédible, à 20 comme à 40 ans, sur le ring ou derrière les barreaux. Couperet. Né sous le signe de la ségrégation, en 1937, dans une famille pauvre du New Jersey, Rubin Carter est condamné d'emblée à jouer les équilibristes sur la lame du couperet séparant la petite délinquance du droit chemin. Il oscille entre délits mineurs et promesse d'amendement. Jusqu'au jour où il prend conscience que ses poings peuvent être un sacré balancier.
Rubin Carter devient alors «Hurricane», un ouragan qui fait le ménage