Toute adaptation de Proust est a priori handicapée par deux angoisses: celle de la fidélité à l'oeuvre, et celle, attenante, de l'intimidation face à un monument. A la fois audacieuse et vaillamment naïve, Chantal Akerman a résolu d'un seul coup de cinéma ces deux soucis. Sa Captive qui, littéralement, n'est pas tout à fait la Prisonnière de la Recherche, est ce qu'on appelle chez les traducteurs «une belle infidèle». Surtout pas en costumes d'époque (exit le pittoresque!) et du coup parfaitement libre de ses mouvements de cinéma. En suspension. Voilà donc, ces temps-ci, Ariane et Simon, deux jeunes amants qui vivent dans un immense appartement, ce qui leur laisse pas mal de recul pour se poser des questions passionnelles de fond: la fidélité, la transparence, la soumission alternée de l'un à l'autre, les redondances de la vie conjugale, autant dire toutes les aventures du désir. Qu'Akerman filme comme un thriller, façon Hitchcock, ne serait-ce que parce que les grands aveux et les petites déclarations, douces ou cruelles, s'y font en automobile. Suspens aussi parce qu'Akerman laisse errer ce polar au hasard des quartiers chic de Paris, de la place Vendôme au XVIe arrondissement, sans que cette topographie de la richesse ne détermine pour autant une classe sociale. Comme chez Proust, l'aisance est un motif abstrait, propice à des variations qui excèdent une société déterminée. A savoir, à la façon d'une ritournelle, des mots souvent répétés qui sont comme des balises intriga
Critique
Un mâle, des mots.
Article réservé aux abonnés
par Gérard Lefort
publié le 16 mai 2000 à 1h14
Dans la même rubrique