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Libération
Portrait

Regard serein sur monde agité.

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Edward Yang. Réalisateur de «Yi Yi» (sélection officielle).
publié le 16 mai 2000 à 1h14

«Les bombes que nous posons en chacun de nous sont amorcées.» Il faut quelques minutes à l'aimable Edward Yang pour se souvenir du moment où il trouva cette métaphore alarmante, introduction rêvée à son cinéma. C'était à la sortie de The Terrorizers, au milieu des années 80, époque où le réalisateur de Taiwan s'affirmait aux côtés de Hsiao-hsien Hou, son ami d'alors, comme un éclaireur de la nouvelle vague asiatique. «J'évoquais l'état d'épouvante qui infiltre nos existences face à la complexité de la vie moderne, dit-il. Tout le monde me considérait comme quelqu'un de très sombre à l'époque.» Au même moment, Yang avait entrepris l'écriture du film qu'il présente à Cannes cette année, mais qu'il a laissé reposer pendant quinze ans, en attendant d'être «assez mûr pour comprendre tous les âges de la vie».

Pendant tout ce temps, l'image du détonateur intime ne s'est pas enrayée: le quotidien dans une métropole asiatique à l'heure des mutations économico-technologiques exerce une telle pression sur les personnages de Yi Yi qu'ils semblent sur le point d'imploser à tout instant. Le regard du cinéaste n'en a pas moins changé. La panique n'est plus à l'ordre du jour. Sous ses airs d'étudiant en chimie, Edward Yang a 52 ans et se pose comme un cinéaste optimiste et profondément humaniste: «C'est notre rôle de cinéaste d'éclaircir la vision du public, dit-il, de passer les complications de la société au filtre de notre sensibilité, et de tirer les sonnettes d'alarme pour rendre l'exis