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Libération
Portrait

La tête qui tourne

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Michel Piccoli, 74 ans, acteur dans «Tout va bien, on s'en va», qui sort aujourd'hui, est réalisateur dans une nouvelle vie.
publié le 4 octobre 2000 à 5h03

Un bout du monde portugais, entre lande et océan, hanté par des chiens mouillés. Le café du village, décor fané d'avant guerre. Un homme regarde l'eau glisser sur les vitres. «Il pleut, c'est formidable, non?» Derrière, une caméra, une petite fille qui corne les pages de Harry Potter entre deux scènes. 11 ans, c'est son premier film, «et elle sait déjà tout de ce métier, donner et s'effacer», s'étonne l'homme, acteur depuis 1944: «ça fait réfléchir, non?» La voix de Michel Piccoli, toujours en point d'interrogation.

Réalisateur, il pourrait ordonner. Mais, lorsque Piccoli dit «moteur?», c'est encore une question. Il tourne un film nostalgique sur l'exil intérieur, la trahison, les croyances qui deviennent illusions. Et semble s'excuser d'entraîner son monde au bout de ses convictions, de ses incertitudes.

Il réclame des nouvelles, impatient, désolé. «Ou en est le merdier?» Méry, Chirac, DSK, les affaires: «Une catastrophe, non?» Sans le tournage, il serait allé poser un bulletin blanc dans l'urne du référendum. Pour la première fois, il n'a pas voté et se sent traître. Son film, adapté d'un roman de François Maspero, la Plage noire, dénonce le pouvoir, qui tue aussi en démocratie: «Cela arrive, souvenez vous, l'Algérie.» Le combat continue, à gauche pour toujours. Même quand «il n'y a plus d'idéologie possible, à part l'argent», quand «la politique est devenue une catastrophe». L'ancien compagnon de route du PC («On met plus longtemps à découvrir les mensonges d'une dictature