Une mouche, ça va, ça vient, allez savoir ce qui la pique. Elle peut venir se mélanger à un jeune inventeur féru de téléportation, et le voilà transformé en gros insecte purulent. Tant pis pour lui. Elle peut aussi voleter, un après-midi à Paris, autour de David Cronenberg, auteur de la Mouche, quelle coïncidence. Celui-ci s'interrompt alors, suit les entrelacs de la bestiole et paf, l'écrase entre ses paumes. Tant pis pour la mouche.
Ce genre d'ironie du sort, Cronenberg ne s'en formalise pas. ça va, ça vient. Il n'y a pas de hasard, juste des nécessités, une fluctuation généralisée. La biologie et les technologies mènent la danse. Alors quoi? Que devenons-nous? Hypothèses: nous fouettons des téléviseurs turgescents et des magnétoscopes poussent dans notre ventre (Videodrome). Bardés de prothèses et de minerves, nous cherchons l'orgasme final dans la tôle froissée de carambolages organisés (Crash). Nous vivons dans un grand jeu vidéo, des joysticks organiques greffés sur notre moelle épinière (eXistenZ). Et ainsi de suite.
Nul roulement de tambours lorsque Cronenberg évoque ces radicales mutations, mais un sourire affable et une voix de speaker. Yeux bleus iridium, cheveux d'argent impeccables, mouvements posés. Venu à Paris pour une rétrospective (1), il se félicite de «l'affection de ses fans». «Il y en a assez peu de dérangés. Avec les films que je fais, j'ai plutôt de la chance.»
Trente ans de cinéma, quinze films qui n'ont raconté qu'une seule histoire, celle d'un corps q