Ce qui agite l'arrière-cour du cinéma français, on ne le dira jamais assez, c'est ce qu'on appellera, faute de mieux, le «territoire exotique des sentiments». Dans ce poulailler de la vie, les petites affaires et les petites histoires de Jean-Pierre Bacri et d'Agnès Jaoui sont loin d'être les plus déplaisantes. Sans doute parce qu'en fait de territoire ce qu'ils arpentent avec l'air sombre et buté de ceux qui tiennent absolument à enfoncer le clou, c'est plutôt le théâtre des sentiments, ce lieu immémorial où s'échangent plus que jamais des phrases lourdes de sens, des répliques familières et exotiques, à la frontière de l'amour et du boulevard. Si les sentiments sont devenus exotiques, c'est que les genres n'existent plus, qui leur permettaient de s'exprimer loin du documentaire, loin de la vie, là où ça chante au rythme des codes et des conventions. Seulement, voilà. Les sentiments se sont fait la paire, le cynisme de l'argent enfonce tout, on est chez les professionnels de la profession pour quelques siècles encore. Ça, c'est ce qu'on dit. L'exotisme sentimental a toujours existé mais il se négocie de mieux en mieux depuis que la télévision accrédite en deuxième et troisième parties de soirée quelques idées poujadistes bon teint: le monde est pourri, les notaires volent les économies des petites vieilles, les loubards de banlieue leur tapent dessus pour leur voler leurs bijoux de famille en un mot, l'amour a déserté le monde.
Si le Goût des autres sonne moins faux que d'