C'est en paumée du Bronx face à Jean Marais qu'Annie Girardot fit au théâtre son premier triomphe: Deux sur la balançoire, lançant tels que, des mots concrets, réalistes, sortis à cru du New York rude. Un certain Luchino Visconti, metteur en scène de ce duo boulevard sut illico qu'il avait trouvé en elle et le visage, et la voix, et le sourire furtif, et la dégaine sexy un brin garçonne de la Nadia qu'il s'imaginait, dépravée balançant entre un Rocco qui aura les traits d'Alain Delon et Simone, le frère, un Karamazov d'Italie qu'incarnera Renato Salvatori. Et voilà comment deux ans plus tard Annie Girardot se retrouva éperdument mariée. De cet homme, père de son unique fille, Giulia, l'actrice parle en disant encore «mon Renato», même s'ils s'étaient fait mal et séparés bien avant qu'il ne disparaisse (en 1988), et elle ajoute d'un trait humble et fier: «Je le suivais partout, il fallait pas que je le laisse seul, il était tellement beau...» Subitement c'est une gamine translucide et juvénile qui songe à l'amour, dans son fauteuil club hors d'âge, front et joues soudain tout lisses, regard lumineux. Il ne fut pas toujours tendre, son Renato. Mais elle ne s'étend pas: des hommes, on l'a su, elle a parfois reçu des coups, ça s'est trouvé. Le destin, peut être. Girardot aime bien ce mot, destin.
Un coup du hasard,Visconti: ç'aurait dû être Jeanne Moreau mais celle-ci n'y tenait pas. Micheline Rozan, l'agent des grands fauves, appela Girardot qui quittait la Comédie-Française de