De retour d'Egypte, où il a présidé le jury du dernier festival du cinéma du Caire, Abbas Kiarostami fait halte à Paris pour une double actualité: la sortie de son film documentaire ABC Africa, ainsi qu'une exposition de photos noir et blanc prises dans le Nord de l'Iran en plein hiver enneigé (1). Rencontre autour de son expérience du sida en Afrique, de la représentation de la mort, et de l'actualité brûlante des attentats islamistes.
Quelle a été votre première impression en débarquant en Ouganda?
Je suis parti avec en tête des informations sur les enfants malades du sida, sur l'ancien gouvernement du pays, les conflits successifs, et je m'apprêtais à découvrir sur place une catastrophe humanitaire. J'avais déjà eu l'expérience de la catastrophe en 1990, lors du tremblement de terre en Iran. Dans les deux cas, ce qui m'impressionne, c'est la différence entre ce que je pouvais avoir à l'esprit et la réalité présente.
La catastrophe en elle-même n'existe pas. Il y a 22 millions d'habitants en Ouganda, 2 millions sont déjà morts du sida, un mort sur dix personnes. Même si on inversait la proportion, 9 morts et un seul survivant, lui seul pourrait être filmé par la caméra. Les gens recouvrent instinctivement les traces du désastre pour pouvoir continuer à vivre. Je suis parti avec mon assistant, on avait chacun une caméra et nous avons tourné au fil du voyage ces notes visuelles, ces repérages, dans l'idée de revenir pour faire le film. Mais le matériel accumulé m'a semblé suffisant et le film s'est construit directement à partir de ces esqu