On dit souvent de Jacques Rozier qu’il est le plus doué des cinéastes français. Cette proposition peut se défendre, avec raison ou plutôt avec ce petit grain de folie tranquille qui fait d’un travelling d’Adieu Philippine, d’un rire de Du côté d’Orouet, d’une vague de Maine Océan, des trésors du cinéma. On dit aussi de Rozier qu’il n’a fait «que» cinq films en quarante ans, qu’il est dilettante, ingérable, voire paresseux. Cette insinuation est désormais indéfendable: avec l’«intégrale» qui débute aujourd’hui à Beaubourg, une trentaine d’oeuvres, de tout format, de tout genre, de tout support, vient s’ajouter aux longs métrages, sans compter ces films qu’on retrouvera plus tard, les interrompus, les inachevés, les perdus, les maudits... Entretien avec un petit homme beau et serein, de 75 ans.
Une intégrale de vos films, cela vous met dans quel état?
Avant, je repoussais. Car personne ne voulait tout montrer, on ne cherchait pas tout. J'ai fait plein de films que je pensais perdus. Par exemple, en 1965, deux émissions extravagantes: des pastiches de variétés de l'époque, pour la télévision, dont l'une tournée à Courchevel, avec Antoine Duhamel à la musique. C'était des comédies musicales où les chanteurs et danseurs vedettes du moment (Dario Moreno, Dalida, Zizi Rascos...) ont participé au «ballet des producteurs de télévision» ou au «ballet des spectateurs mécontents». J'avais une copie piratée de ces deux films, entreposée dans une grange en Normandie, avec d'autres trucs tournés au fil des ans, mais la grange s'est effondrée penda