Dans les mairies de France, on trouve en ce moment un prospectus de la Sécurité sociale appelant à se vacciner contre la grippe. Ouvrons les guillemets: «La grippe, aujourd'hui, on peut encore en mourir.» Signé: Pierre Tchernia. Sa tête de bon gros phoque audiovisuel sourit légèrement, sur fond vert, au-dessus de cet encourageant slogan. Son regard est amical et grand-paternel. La main droite saisit le menton dans la crispation du sage. Au revers, on apprend que le vaccin est gratuit à partir de 65 ans. Suit ce petit tercet de mirliton: «A cause de la grippe/ce serait trop bête/que tout s'arrête!» Face à la Faucheuse, on est tous des enfants.
Pierre Tchernia, lui, a 74 ans et il passe toujours à la télé. Pourquoi l'avoir choisi? Sans doute parce que sans drame il fait passer la mort, qui n'est au goût de personne. Faire campagne contre elle, c'est encore en parler aux gens. Or ils l'ont prise en grippe ou préfèrent être sourds. Jadis, «attraper la mort» signifiait attraper un gros rhume. L'expression populaire confondait un peu le rhume et la grippe, dont le virus tua tant d'hommes. Jusqu'à Pierre Tchernia, on croyait en être sorti. En attrapant la grippe, on pensait éviter la mort... C'était faux. Pour le rappeler de nouveau, la Sécurité sociale devait trouver un personnage consensuel (donc crédible), rassurant, et survivant. Un homme de télé paisible, là depuis toujours, peut-être pour toujours. Une figure devant qui l'on puisse s'endormir en étant sûr de se réveiller, comm