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Interview

Jean-Luc Godard: «Le cinéma a toujours été magnifié et pourri par l’argent, ce qui en fait le grand témoin du XXe siècle»

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En 2002, le réalisateur refaisait, pour «Libération», son cinéma avec toutes les images du monde.
Jean-Luc Godard en tournage (photo non datée). (Anne-Marie Miéville)
publié le 6 avril 2002 à 22h56

Depuis 1959 (avec A bout de souffle), Jean-Luc Godard a réalisé trente-cinq longs métrages (le Mépris, Pierrot le fou, la Chinoise, Week-End, Tout va bien, Prénom Carmen, Eloge de l’amour...) et de multiples essais filmés, notamment les Histoire(s) du cinéma (1988-1998) où il entrechoque les images de sa cinéphilie et celles du siècle. A 71 ans, son trentième film, King Lear, tourné en 1987, vient de sortir après quinze ans d’imbroglio juridique. De Rolle, en Suisse, sur les bords du lac de Genève, le monde vu par... Jean-Luc Godard.

Dans «King Lear», votre film inédit de 1987, vous apparaissez comme une sorte d’«idiot des images»…

C’est toujours ce que j’ai joué dans mes films : l’idiot, oncle Jean, le fou. Là, il est investi par l’image comme le dernier des imagiers, un survivant qui porte, accrochés aux cheveux, des fétiches du monde actuel. Des prises et des câbles vidéo. «Plug», en anglais, veut dire aussi «vidange». Pluggy est donc un primitif, celui qui voit et entend les images disparues. Une personne grotesque, à la James Ensor, burlesque. De l’invraisemblable qui dit la vérité. Mais ce n’est pas très réussi, car je ne suis pas un véritable acteur. Il faudrait le père Brasseur, Michel Simon, Toto, ou même les trois Stooge.

Vous détenez le secret des images ?

Il est vrai que je me sens un peu comme le représentant de commerce des images sur terre… Je viens de ce royaume incarné au siècle passé par la Revue du cinéma, les premiers Cahiers, la Cinémathèque, la Nouvelle Vague, témoins du secret des pionniers. Dans les années 50 et 60, on côtoyait encore ceux qui a