L'expérience que propose l'artiste belge Ann Veronica Janssens (née en 1956) n'est pas à proprement parler cinématographique. Pas de siège, pas d'écran, pas d'images, pas de projection. Rien. Quel rapport, alors, avec ce «Labo» de cinéma ? Pas un rapprochement, mais une équivalence, une «balance» entre l'expérience qu'on fait d'un film et celle d'une oeuvre, de celle-ci précisément, intranscriptible, inracontable en dehors de l'effet qu'elle fait.
Brouillard. Dehors, sur la terrasse du Centre d'architecture de Bruxelles où Ann Veronica Janssens est actuellement en résidence, après avoir séjourné à Berlin grâce à une bourse, a été posé un grand pavillon (1). L'ovni parallélépipède a des parois translucides de couleur rouge, bleue, jaune et blanche. L'extérieur ne laisse rien présager de ce qu'on trouvera dans le container. Mais si on ouvre la boîte de Pandore, en l'occurrence la porte, on entre dans l'espace le plus angoissant ou extatique qui soit certains ne supportent absolument pas la perte totale des repères visuels : un brouillard coloré, si opaque qu'il éteint les sons et oblitère tout l'espace. On n'y voit absolument plus rien, ni où on est, ni l'envergure de la boîte, qui disparaît complètement, ni même son propre corps. Rouge, rose, jaune, verte, bleue, ciel, violette, la vapeur épaisse (mais chargée d'huiles essentielles...) change de couleur à mesure qu'on se déplace, en aveugle, mais les yeux grands ouverts.
L'historienne d'art Mieke Bal, dans un texte qu'elle a