Si la noblesse d'âme a un visage, elle a depuis quelque temps pour nous celui d'Adrien Brody. Découvert dans un second rôle de soldat mutique dans la Ligne rouge de Terrence Malick, Brody, 29 ans, a depuis joué notamment sous la direction de Ken Loach (Bread and Roses) et de Spike Lee (Summer of Sam). Nul doute que sa prestation étourdissante dans le seizième film de Roman Polanski, où il interprète le pianiste juif polonais Wladyslaw Szpilman luttant pour échapper à la déportation, marque pour cet acteur d'origine new-yorkaise un décisif tournant de carrière. On ne peut dissocier l'effet percutant que produit le film de son acteur principal, celui-ci étant de tous les plans, évoluant, au fil du crescendo horrifique de l'histoire, du jeune virtuose flegmatique à l'épave hirsute et décharnée. Mais le Pianiste est aussi et surtout une date pour Polanski lui-même, puisque le cinéaste, né à Paris en 1933, a connu les atrocités du ghetto de Varsovie, ses parents étant revenus en Pologne deux ans avant que la guerre n'éclate. Ils seront tous deux déportés. Le jeune Polanski s'échappera du ghetto et connaîtra une longue période de survie vagabonde à travers le pays. C'est la première fois depuis le Couteau dans l'eau (1962) qu'il remet son pays d'origine au coeur d'une de ses fictions.
Pas un héros. Adaptant le livre autobiographique de Szpilman paru au lendemain de la Libération sous le titre Mort de la ville, avant d'être interdit par les communistes, le Pianiste