Quelqu'un se souvient-il de «Dogma 95» ? Lancé avec fracas par Lars von Trier, ce Dogme fut le sujet-objet de l'un des derniers grands débats cinéphiles du siècle passé. Au départ, il s'agissait pour le cinéaste danois d'établir de façon formelle, théologique et provocante, les tables de la loi d'un nouvel âge pour les metteurs en scène de toutes obédiences. Né dans le contexte de l'explosion des techniques numériques, qui rendaient légère et accessible à tous la fabrication du cinéma, le Dogme avait pour mission d'encourager les cinéastes démunis à s'autoproduire en marge des systèmes établis. Les commandements qu'il feignait d'imposer (Tu n'éclaireras point, Tu ne maquilleras point et D'aucun artifice tu n'useras...) n'ont jamais été sérieusement respectés par les cinéastes qui, pourtant, s'en réclamaient (sauf peut-être Vinterberg dans Festen).
Tout ridicule qu'il soit dans ses principes, tout absurde qu'il ait été dans sa gesticulation militante, le Dogme a néanmoins eu la fonction d'une force libératrice utile, et peut se lire rétrospectivement comme le signal d'une prise de conscience dont nous pouvons toujours mesurer les effets : paradoxalement, en sacralisant sa pratique sous un codex moral radical, le Dogme a désacralisé le cinéma, répandant aux quatre coins du monde l'idée qu'il était possible de faire des films sans argent, mais avec juste un peu d'astuce et d'envie. Le déferlement des films tournés en DV avec des caméras appelées «petites» a prouvé que le Dogme a