"A l'occasion de la sortie en salles de son nouveau film, Calculs meurtriers (Murder by Numbers), avec Sandra Bullock, présenté en séance spéciale au festival de Cannes (Libération du 27 mai), Barbet Schroeder raconte sa vie en dix dates.

«9 avril 1948. En Colombie, le Bogotazo, une des grandes émeutes du XXe siècle. J'ai 7 ans, la ville brûle, pillages de tous côtés. Un homme est décapité sous mes yeux. Nous avons un perroquet qui dit : «Je suis habillé de vert, mais je suis libéral» (rouge). La guerre civile avec les bleus (conservateurs) fait rage. Le perroquet est devenu un danger pour toute maison où il se trouve. On me dit qu'il s'est envolé, j'apprends un peu plus tard que, par mesure de sécurité, mon père a dû lui tordre le cou.

Septembre 1951. Arrivée à Paris. A 11 ans, je mange ma première pomme. Je découvre avec horreur la grisaille froide des lycées français, encore très proches de leur modèle napoléonien. A la moindre bagarre dans la cour de récréation, une meute se forme en criant : «Du sang, du sang !» A deux reprises, je vois ces meutes s'acharner sur un élève à lunettes au cri de «sale juif». Je me souviens encore de son nom : Pliskine. Plus tard, ma mère me fait découvrir Nuit et Brouillard. La Colombie était pour moi le vert paradis de l'exubérance et de la joie. La France me paraît remplie de gens méchants et mesquins. Cinq fois de suite, je vais changer de lycée, à la fin de l'année. Jamais renvoyé, jamais de mauvaises not