Quinsac envoyé spécial
C'est à 10 h 30 que commence une journée de tournage pour Claude Chabrol, au moment où Yvon Crenn, le directeur de production, l'embarque dans sa voiture, ainsi qu'Aurore, la script fidèle qui est aussi sa femme, vers le plateau situé dans une grande et belle demeure bourgeoise. L'équipée laisse derrière elle un bon hôtel de Bordeaux pour une demi-heure de voiture, le temps de rejoindre Quinsac, l'un des plus jolis coins du Bordelais, à une quinzaine de kilomètres au sud de la capitale des vins, empruntant une petite route qui serpente le long des coteaux, entre vignes et herbes folles.
Ce tournage de Claude Chabrol, son 53e film, la Fleur du mal, avec Nathalie Baye et Benoît Magimel, pourrait être une succession de lieux communs : on y mange bien, c'est tranquille, voire pépère, l'ambiance est à la rigolade, et tout le monde est gâté, des techniciens, qui ont droit à leur petite blague, aux acteurs choyés par le regard malicieux du maître. Ce n'est pas faux. Pourtant, c'est aussi un contresens : Chabrol aime disposer ça et là des rituels de convivialité, comme si tout était normal, mais la réalité témoigne d'une attention certaine, voire de la tension d'une équipe aux ordres et parfaitement concentrée. Même si le cinéaste répète à qui veut l'entendre que «tout se fait sans qu'on ait l'impression d'avancer», ce tournage semble d'abord l'agencement de petits faits parfaitement réglés et minutieusement préparés.
Mots croisés. C'est la rançon de l'expérience