Paul Adam Sitney est un théoricien de l'ombre. Sans lui, tout un pan du cinéma américain, plutôt expérimental, n'aurait pas eu le même avenir. Dans les années 60, il traverse l'Europe avec des bobines, parfois de véritables bombes, tels Meshes of the afternoon de Maya Deren, Scorpio Rising de Kenneth Anger, The Illiac Passion de Markopoulos, Dog Star Man de Stan Brakhage, Flaming Creatures de Jack Smith, The End de Christopher McLaine, Chumlum de Ron Rice, ou Notes for Jerome de Jonas Mekas. Passionné par Blanchot et les structuralistes, ce drôle de bonhomme qualifie le cinéma qu'il aime de «cinéma visionnaire». Visionnaire non au sens de futuriste mais d'un triomphe de l'imagination. Son livre le cinéma visionnaire, l'avant-garde américaine 1943-2000 (éd. Paris expérimental) décrit minutieusement l'histoire de cette avant-garde du cinéma à la recherche de l'oeuvre absolue, ce que Jonas Mekas aurait pu qualifier de «fragments de paradis sur terre».
Comment êtes-vous devenu, si jeune, l'agitateur et le prophète de cet autre cinéma ?
Par accident. A l'université, j'ai découvert les films de Stan Brakhage. Sans gêne, j'ai contacté des cinéastes pour montrer leurs films. Ensuite, à New York, je suis devenu l'homme à tout faire de la revue Film Culture, fondée en 1955 par le cinéaste Jonas Mekas. J'étais intrigué par le fait que ces deux cinéastes, Brakhage et Mekas, travaillant chacun de son côté, puissent arriver à faire quelque chose d'assez semblable, comme par exemple s