De son appartement à Nanterre, totalement en bazar, Raoul Coutard ne retient qu'une chose, la lumière. Quinzième étage, le balcon donne sur la Défense et une partie de Paris. Coutard, 78 ans, y est à l'aise, il respire. Il est le plus célèbre des directeurs de la photographie au monde : l'image, le ton, la lumière «blanche, crue, authentique» de la Nouvelle Vague, c'est lui. Pourtant, avoue-t-il d'emblée, le cinéma est un hasard : «J'étais reporter-photographe en Indochine, pour Paris Match et Life. Mais je voulais être chimiste. J'ai fait l'Ecole de chimie de Paris. Le cinéma, c'est pour des raisons de fric : une ouverture, un tournage avec Luciano Emmer. Puis, j'ai rencontré Pierre Schoendoerffer et on a fait le tour du monde avec une caméra. Mon vrai premier film, en 1957, ce fut la Passe du diable, en Afghanistan, en cinémascope couleur, extraordinairement formateur.»
Vient la rencontre avec Jean-Luc Godard, par l'intermé diaire du producteur Georges de Beauregard, qui, à l'été 1959, s'apprête à financer le premier film du jeune Turc, A bout de souffle. Godard a une autre idée pour la photo de son brûlot : il ne connaît pas ce Coutard «qui vient de l'Indo», mais Beauregard veut assurer un minimum les prises de vue avec un technicien formé sur le terrain, un baroudeur dont il a entendu vanter les qualités documentaires. «J'ai une "sale" habitude, se rappelle Coutard-la-grande-gueule, je bouffe souvent deux fois par jour. Il me fallait donc un peu de fric. Et l'argent, vous