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Libération
Critique

Le brûlot «Salò»

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A l'occasion du 80e anniversaire de la naissance de Pier Paolo Pasolini, reprise en copie neuve de sa «Trilogie de la vie» et, surtout, de son ultime film. La violence esthétique et politique de «Salò», sorti en 1975, est intacte.
publié le 10 juillet 2002 à 0h21

L'ordre moral est là. Avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel pétrifié d'horreur devant la diffusion télé de pornos, voici réinventé le sexe coupable. Ceux qui ont travaillé des mois à ressortir pour le 80e anniversaire de la naissance de Pasolini son ultime film et sa Trilogie de la vie (le Décaméron, les Contes de Canterbury, les Mille et Une Nuits) en copie neuve ne pouvaient se douter de l'accélération d'un tel retour du refoulé, ni de l'urgence d'une reprise entre Salò et nous. Salò, film plus in tenable qu'insoutenable, qui nous met tous en demeure, en observation, fruit d'une franchise (Pasolini se brûlant à filmer Sade à la lettre) et d'une méfiance vis-à-vis de la libération sexuelle. Se défendre avec Salò ? S'en défendre ? Barthes avait prévenu : la seule chose qui fasse de Salò un «objet proprement sadien», c'est qu'il est «absolument irrécupérable : personne en effet, semble-t-il, ne peut le récupérer».

Abjuration. «Même si je pouvais faire encore des films du genre de la Trilogie de la vie, je ne le pourrais plus : parce que désormais je hais les corps et les organes sexuels.» Le Pasolini de 1975, celui de Salò ou les 120 Journées de Sodome, est revenu de l'hédonisme, de la révolution sexuelle, en laquelle il ne voit plus qu'une issue triste : la sexualité comme donnée marchande, capital sexuel. Il signe une chronique hebdomadaire pour Il Corriere della sera, où il adresse à un jeune garçon imaginaire son désarroi, sa colère. Ses Lettres luthériennes (éditées