Londres intérim
La brochure des architectes Munkenbeck & Marshall annonce la couleur : «Les studios de Gainsborough : espaces à vivre et à travailler. 200 lofts, commerces et bureaux de post-production.» Du berceau de l'âge d'or du cinéma anglais ne restent que le nom et des hauts pans de murs. Dernier tour de manivelle de la machine à remonter le temps. Des mouettes se chamaillent sur les toits du Crown and Manor Boys Club. Cyclistes et mariniers tirant leur péniche se saluent sur les bords du Regent's Canal tandis que les quelques pubs longeant Poole Street ouvrent leurs portes (1). La pluie menace, comme toujours. Le jeune Alfred Hitchcock, tout juste 20 ans et rédacteur de sous-titres de films muets aux tout nouveaux studios de Gainsborough, a dû emprunter mille fois le chemin que nous faisons aujourd'hui, une allée longeant le canal. Tous les cinéphiles vous le diront, sa présence narquoise flotte encore sur ces lieux mythiques. Seuls les council blocks, petits immeubles HLM en briques marron, nous disent que nous sommes en 2002. La carcasse des studios est toujours là, cachée en partie derrière des échafaudages géants. Des dizaines d'ouvriers en cirés jaunes et casques orange s'activent aux abords de l'énorme édifice de brique rouge. On se croirait dans un film de Ken Loach. Pourtant ce n'est pas l'histoire de la faillite des services publics et de la déliquescence du tissu social que nous racontent ces hauts murs, mais bien le pan le plus prestigieux du cinéma britanni