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Libération
Critique

«Gerry» aux larmes

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De bonne tenue, le festival suisse de Locarno révèle notamment un périple bouleversant signé Gus Van Sant.
publié le 7 août 2002 à 0h36

Locarno, cinquante-cinq ans et déjà cinq jours. Comme le temps passe. Et comme il passe bien, entre langueur suisse et emballement italien, une pluie de bons films ayant d'ores et déjà éclipsé les orages à répétition qui s'abattent avec entêtement au-dessus des lacs du Tessin. Des films qui, bizarrement, ont tous pour eux de se persuader d'une même chose. Le temps ne passe pas, ne passe plus pareil. Quand il ne passe pas trop vite, s'échappant, s'effaçant si prestement que l'on n'en conserve rien, ou si peu. L'un dans l'autre, ces deux états paniques des rets du temps, amnésie et fuite en avant, sembleraient provoquer chez les cinéastes le même effet de fable, l'envie d'en repasser par le conte, la légende, sinon l'enfance, c'est-à-dire par une bonne dose de jeu et, en fin de compte, un zeste de joie noyé dans la mélancolie.

Et après Hiroshima ? L'affaire n'est pas nouvelle. Il n'y a pas de surprise à retrouver les Gianikian ou Nobohuro Suwa sur un si mémorial terrain. Les premiers avec un Vietnam de neuf minutes, à base d'archives coloniales alanguies, étirées par leur caméra analytique. Neuf minutes cruciales, à vous faire ravaler tous les chansonnettes sur les «ana... anana... Annamites» et les «tontikiki Tonkinoises» que notre cher siècle précédent (pas le moins raciste de tous) s'amusait à pousser. Au Japon, Nobohuro Suwa (cf. H/Story, avec Béatrice Dalle, l'hiver dernier) s'embarque, avec After the War, dans un projet tricéphale : se demander avec deux autres cinéastes