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Libération
Critique

Le maître des zorreurs

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Jean Rollin met en scène son Dracula.
publié le 14 août 2002 à 0h39

«Il était trois petits enfants. S'en vinrent un soir chez le boucher. Ils n'étaient pas sitôt entrés que le boucher les a tués, les a coupés en mille morceaux, mis au saloir comme pourceaux.» La comptine qui ouvre et clôt la Fiancée de Dracula chante la poésie des films de Jean Rollin, que l'on considère, plus encore à l'étranger qu'en France, comme le pape de la série Z. Un Z comme Zorreurs : depuis 1968 et le Viol du vampire, les dix-sept longs métrages de Rollin regorgent de créatures fantastiques et de rituels démoniaques, avec une prédilection têtue pour les femmes vampires, les mortes vivantes, les nains déments, les nonnettes dégénérées et les filles séquestrées. Les créatures du Mal y devisent en vers, les tombes s'ouvrent en couinant sous la lune et le finale prend immanquablement place sur la plage de Dieppe, entraînant les rescapés de la nuit au petit jour.

Cette constance est créatrice : l'univers de Rollin est moins frelaté qu'enfantin, moins routinier que visionnaire. Et il faut profiter du plaisir de voir enfin l'un de ses films ­ osons le mot : son chef-d'oeuvre ­ sur grand écran, en copie neuve 35 mm couleur, eux qui sont écoulés par les réseaux contournés de la vidéocassette, plutôt pirate qu'officielle. A 64 ans, Jean Rollin, profitant de la torpeur estivale, fait une rentrée fracassante dans les salles. Cinq tout au plus, car il faut raison garder. Mais cette aura, conquise dans l'obscurité des cinémas, éclaire d'un halo pâle les visages cadavéreux de ses