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Libération

Mes dates-clés, par Nicola Philibert.

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publié le 28 août 2002 à 0h46

Je suis né en 1951. Deux frères, une soeur, des parents cinéphiles, engagés dans un tas de mouvements associatifs. Mon père enseigne la philo à la fac. Parmi ses collègues, il fait figure d'original. Il anime le ciné-club de la ville, crée un cours d'analyse filmique, connaît des milliers de vers de Hugo, Lorca, Apollinaire, Michaux, des chapitres entiers de Montaigne ou l'intégralité du Discours de la méthode qu'il dit parfois sur les planches. Ma mère chante dans une chorale. Merveilleuse voix de soprano. Quant à moi, je n'aime pas l'école ­ je suis éternellement le plus petit de ma classe ­ et m'y adapte mal. Au primaire, on me change d'établissement tous les ans. Puis, à l'adolescence, ce sera la montagne, les copains, Mai 68, et l'envie, peu après, de me tourner vers le cinéma.

Juillet 1970. J'ai appris que René Allio (le cinéaste de la Vieille Dame indigne) préparait un nouveau film: les Camisards. Je pars en stop avec un copain (Dédé) direction Florac (Lozère), pour tenter ma chance. Nous nous pointons au bureau de production pour essayer de nous faire engager comme stagiaires. On nous explique qu'on n'embauche, à ces postes-là, que des gens du cru pour ne pas avoir à les défrayer. Sans ciller, nous affirmons que nous sommes du coin. Ce sera mon premier boulot. Des journées entières à recouvrir des toits d'ardoises avec de la paille, imitation chaume. J'ai un rhume des foins d'enfer, mais faut ce qu'il faut : le film se passe à l'aube du XVIIIe siècle.

Automne 1972. J'a