Afin de vérifier, ou infirmer, l'hypothèse de Kiarostami, artiste-cinéaste-rhétoricien, nous avons voulu confronter Ten au point de vue d'une philosophe, Barbara Cassin, chercheuse au CNRS, spécialiste de la pensée sophistique dans l'Antiquité (1). Elle commente le film et certaines déclarations du cinéaste lors de l'entretien qu'il a accordé à Libération et auquel elle a assisté.
Des procédés. «On peut se poser la question du rapport de Ten à ce que j'appelle la "logologie sophistique" : comment, pour aller vite, quelqu'un se débrouille pour que le discours ait une efficacité ciblée et transforme ou produise du réel. Dans la situation rhétorique, on a des auditeurs à persuader et un médium tout puissant, le discours. Dans le film, il existe une scission entre l'inventeur du discours (Kiarostami) et ses émetteurs (les personnages). On comprend mal d'ailleurs comment ça fonctionne et quelle est la source exacte des dialogues prononcés, qui ne sont ni écrits ni improvisés. Comme les sophistes, Kiarostami dispose de procédés à la fois inventifs et normés, toute une technicité dont il connaît l'efficacité. Néanmoins, la finalité du dispositif n'est jamais complètement élucidée, a priori c'est le plaisir et la persuasion, mais dans le film on n'est jamais sûr qu'il s'agisse de persuader quelqu'un de quelque chose, ni qu'il faille tirer plaisir de tel ou tel moment en particulier.»
Du divin. «La place que Kiarostami tient à occuper est non plus cell