50 ans, costume noir tiré à quatre épingles, Ulrich Seidl ressemble à Monsieur Tout-le-monde. N'étaient les mâchoires serrées et l'oeil vif-inquiet de celui qui a quelque chose à se reprocher. Il vit à Vienne, aime Thomas Bernhard par principe, car «il ne l'a jamais lu vraiment», et ses documentaires ont fait le tour du monde, Animal Love sur la Kultur du Toutou chez les obsédés du caniche, Models sur les diktats de la perfection qui anéantissent chacune d'entre nous. Werner Herzog, en voyant son Animal Love, a lâché avec un sifflement d'admiration : «Je n'ai jamais vu l'enfer de si près»... Quand on lui demande s'il pleure parfois au cinéma, Seidl vous répond du tac au tac : «Pas seulement au cinéma.» Puis ose : «En fait, mes films sont parfois assez drôles...».
Pour donner une idée du ton Seidl, on évoquera le récit abandonné par le cinéaste juste avant le tournage de Dog Days : la «léthargie du spermatozoïde», l'histoire d'un jeune couple qui n'arrive pas à avoir d'enfant car la semence de l'homme est «trop lente» pour féconder. L'époux décide que son frère fera l'amour à sa femme, qui tombe enceinte. Commence alors la jalousie incontrôlable du mari, et l'histoire se termine mal. Dans cet univers, les plans sont idéaux, même esthétiques, il fait beau, l'herbe est verte, les supermarchés sont pleins, mais c'est l'enfer. La terreur s'imprime sur la façade fraîchement repeinte de ces maisons individuelles toutes les mêmes et bien gardées.
«Le livre de mes germes.» Banlieue sud