Vienne de notre correspondant
Nul n'est prophète en son pays. Si le vieux dicton possède encore quelque vigueur, c'est au cas Ulrich Seidl qu'il s'applique le mieux aujourd'hui. Depuis vingt ans que cet Autrichien de province fait des films (le réalisateur a grandi à Horn, un coin paumé à cent kilomètres au nord-ouest de Vienne), la critique viennoise n'a eu de cesse de le démolir. Tous les médias du pays, de droite comme de gauche, s'unissant pour dénoncer chez Seidl le «mépris» avec lequel il traite ses protagonistes, «abusant sans scrupule de la naïveté de pauvres diables».
Tollé médiatique. Ulrich Seidl avait de toute façon très mal commencé. A 26 ans, son premier court métrage à la Filmakademie de Vienne, le Bal, déplaît au personnel enseignant, qui lui reproche de chercher à compromettre des jeunes gens qui se laissent filmer «en toute innocence». Il quitte alors l'école en claquant la porte, sans diplôme. Après quelques travaux pour la télévision, Ulrich Seidl parvient à boucler le financement de sa première oeuvre cinématographique en 1990 : Good News, un documentaire sur les conditions d'exploitation dans lesquelles sont obligés de vivre ces étrangers que tous les Viennois croient si bien connaître, les vendeurs de journaux à la sauvette. Originaires d'Egypte, d'Iran ou du continent indien, ces pauvres hères sont envoyés très tôt le matin, dans un froid glacial, devant les entrées de métro ou les feux rouges des grandes avenues de la ville. La caméra de Seidl, très at