Pris avec des pincettes par la critique qui, à Cannes, le taxa d'académisme alors que le jury, lui, discernait rien moins que la palme d'or, le Pianiste, en dépit de sa suprême récompense, sort sans accompagnement excessif. Pire, on bâtit autour de lui un air déjà entendu ailleurs, si on en croit notamment le résumé de son scénario, interprétation quand même très désorientée : pour aller vite, on s'est dépêché de ramener le Pianiste à l'épopée d'un juif polonais s'évadant du ghetto de Varsovie et revenant à son existence de virtuose par l'entremise d'un officier allemand, après que celui-ci l'a entendu jouer. Ce qui revient à faire jouer au Pianiste une partition écrite il y a dix ans pour Spielberg, accolade malvenue entre la Liste de Schindler et le dernier Polanski. Elle pourrait cependant nous aider à y voir clair.
Une question. Le seul point commun entre Schindler et le Pianiste semble être l'emploi du même décorateur. C'est tout. Pour le reste, le Polanski s'aventure sur un terrain autrement plus kafkaïen, ne perdant jamais de vue la sombre question qui le hante : comment un individu (quelqu'un qui, par exemple, se définirait non comme juif, mais avant tout comme pianiste, parce que c'est tout ce qu'il sait faire, évidemment, puisque c'est à peu près tout ce qu'il est, pianiste de génie, c'est déjà pas mal) peut-il tenir le choc quand il est prisonnier d'un conflit où l'humain trop humain est jugé en fonction de ses racines, de son sang («Hé, juif !», c'est ainsi que l'