Un incontrôlable de moins ! Au sein de l'intelligentsia italienne, l'annonce, le 16 mars dernier, de la disparition de Carmelo Bene, le Caligula scandaleux du théâtre et du cinéma italiens, en a sans doute secrètement soulagé plus d'un, bien qu'officiellement les mouchoirs étaient de sortie. Il y a belle lurette que la hargne du metteur en scène avait fini par atteindre son but : se faire haïr d'une bonne partie de la planète, être diversement apprécié de l'autre.
Inqualifiable. On vanta au début des sixties son théâtre d'avant-garde, il déclara derechef qu'il exécrait l'avant-garde. On le compara à Artaud, il s'empressa de souligner que ce dernier «n'a pas été capable de mettre en pratique sa théorie». Sinon, Bene le fou fit cinq films, dans lesquels on crut voir du Godard, celui de Week-end. Il rit à la gueule de ceux qui osèrent la comparaison, car il trouvait Week-End enflé. Seuls, à un moment, Bresson, Vertov, Keaton et Tati l'avaient intéressé. Les deux derniers cités sans doute pour l'anarchie joyeuse de leur burlesque, Keaton en tout cas parce que, selon Bene, il était «un singe». Son respect en somme, il le gardait tout entier pour les Pouilles d'où il était issu, et sa classe populaire qui l'inspirait dans ses débordements.
Sa violence était aussi irrespectueuse que productive de déplacements : quel homme de culture aujourd'hui pour titrer, comme il le fit en 1988, son Hamlet : Hommelette for Hamlet (ou Opérette inqualifiable). Avec cette force qui lui servait à récu