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Libération
Critique

Le fracas d'un grand cinéma

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Suleiman dynamite le quotidien avec dérision, violence et élégance.
publié le 2 octobre 2002 à 1h16

Quatre mois après le choc de la découverte d'Intervention divine lors du Festival de Cannes, le film d'Elia Suleiman tient le coup. Mieux encore : passées les premières impressions et les références obligées qui ont fini par virer aux lieux communs (burlesque et tragique, Keaton et Tati...), on se retrouve devant un beau film, un grand, nu dans sa vérité faite d'une construction savamment élaborée. Ce qu'il y a de plus réussi dans Intervention divine est en effet la mise en place de chaque détail, comme agencé dans chaque plan, lui-même emboîté dans un Lego-film, qui n'est qu'une déclinaison de l'ego Suleiman.

Mine de rien. Cette sorte de machine cinéma, purement cinématographique, se dispose d'abord mine de rien, par saynètes anodines de voisinage dans un coin où il n'a jamais été question que de ça. On attend le bus dans une rue en pente, on répare le muret du parking, on entasse les cadavres de bouteilles sur son toit, on jette les ordures de l'autre côté de la rue, on répare la voiture, on jongle avec un ballon de foot, on discute, plutôt finauds. Mais quand ces «on» finissent par répéter les mêmes gestes pour la troisième ou quatrième fois, la caméra caustique de Suleiman ne peut qu'enregistrer, en les croisant, les gags d'une promiscuité devenue aussi indispensable qu'intolérable : il n'y a jamais de bus, et on ne l'attend plus depuis longtemps, les murs se détruisent à coups de pioche, les bouteilles se transforment en cocktails Molotov, les ordures vous reviennent dan