Ne le répétez pas à George Bush, Michael Moore est un grand timide. Du genre à se bourrer de Big Mac, parce qu'on ne parle pas la bouche pleine. A sortir masqué sous des lunettes, une casquette, une barbe, une frange, beaucoup de kilos superflus. Il déteste se croiser dans les miroirs, encore plus dans l'oeil des dames, et, au-delà de tout, se voir à la télé : «Franchement. Vous auriez la tête que j'ai, vous ne seriez pas contente non plus.»
Sa vie, pourtant, est une interminable mise en scène. Son récent best-seller, Mike contre-attaque, est un mandat d'arrêt contre les «putschistes de la Maison Blanche», un face-à-face imaginaire avec George W. Bush. Son film Bowling for Columbine, diatribe con tre ses concitoyens armés jusqu'aux oreilles, dure deux heures. Dont une heure cinquante avec Michael Moore, filmé sous toutes les coutures de son ego, et de son Levi's, extralarges. Comme d'habitude, il enfonce des portes, certaines bouclées à double tour et aussi beaucoup d'ouvertes. Son registre, c'est la provocation colossale, la caméra commando. Moore débarque dans les entreprises, demande à voir le boss et lui délivre un diplôme d'un mètre de large, pour services rendus au capitalisme : «Vous êtes celui qui fait le meilleur profit et qui licencie le plus d'employés. Bravo.» Dans The Big One (1999), il dénichait le PDG de Nike et lui tendait un billet pour l'Indonésie : «On part visiter vos usines et les enfants qui y travaillent.» Dans Bowling for Columbine, il prend pour cible