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Libération

De rire et de führer

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Tourné en 1939-1940, incroyablement prophétique, «le Dictateur» de Chaplin ressort en copie neuve.
publié le 16 octobre 2002 à 1h25

A lire David Robinson, son biographe instruit (1), il semble que dès 1937 Chaplin envisageait un film sur Hitler, estimant que se développaient «pas mal de mauvaises manières dans le monde». Mais c'est à l'été 1938 que le projet du Dictateur va prendre corps, lorsque Chaplin s'adjoint deux jeunes écrivains, Dan James et Robert Meltzer, communistes déclarés qui s'échinèrent pour que le cinéaste n'élargisse pas le propos antinazi et antimussolinien à toutes les dictatures de l'époque, et notamment celle de Staline.

Fin 1938, le scénario est achevé (300 pages, un record), les rôles sont distribués et les noms des principaux personnages sont arrêtés dans une ambiance de pastiche qu'on imagine assez déconnante : Hitler devient Adenoid Hynkel, dictateur de Tomania, Mussolini, Benzino Napaloni, dictateur de Bacteria, Göring, Herring (de l'allemand Hering, hareng) et Goebells, Garbitsch (contraction de Garbage, ordure, et de bitch, garce). En janvier 1939, les préparatifs du tournage commencent dans les studios hollywoodiens de Chaplin et, pour information, l'équipe est priée de visionner quelques films : Charlot soldat (film déjà les doigts dans la prise de l'actualité puisque tourné de mai à septembre 1918) mais aussi des bandes d'actualité sur Hitler et les grandes liturgies nazies. Chaplin confia que le film de propagande de Leni Riefenstahl, le Triomphe de la volonté (1934), lui inspira le style et les décors de bon nombre de scènes, notamment celles des harangues du dictateur H