La ligne d'horizon s'incurve, la mer sanguine lèche le pied de sommets enneigés, deux silhouettes saturées de lumière errent, comme si le désert les avait transformées en fantômes. Le tout se joue au format timbre-poste des écrans vidéo du Web (11 x 8 cm). En vis-à-vis, un titre, Post-Apocalypse Now, la date de mise en ligne, le 22 août, le lieu, Uyuni, sud de la Bolivie, une citation de Godard et une courte dédicace «à ceux qui se demanderaient à quoi ressemblera la Terre en l'an 80 000». On croirait le décor planté, celui, banal sur l'Internet, du carnet de voyage. C'est tout autre chose qu'expérimente Luuk Bouwman avec Tropisms, projet au long cours. Quelque chose entre nouvelle narration cinématographique, road movie sans salle de projection... et accessoirement plate-forme technologique pour envoyer des films directement sur un site, de tout point du globe relié à l'Internet (1).
«Vidéolog». L'intitulé même, titre d'un roman de Nathalie Sarraute, porte en germe ces pistes-là : la «force obscure, inconsciente, qui pousse à agir d'une certaine façon» Luuk Bouwman l'a ainsi mené d'un vestige de cité pétrolière dans le parc national de Manu, au Pérou, à un centre de retraite spirituelle conçu par une riche Américaine échouée au Machu Picchu (drôlissime). Tropisms est un «vidéolog», néologisme qui marie digicaméra et weblog (en français joueb), sorte de carnet de bord du site perso.
Dans ce journal vidéo du Néerlandais de 25 ans, truffé de références à une culture visuelle et