Lisez, ne lisez pas. On ne peut écrire sur le nouveau film des frères Dardenne sans éventer son principal coup de théâtre, et qui voudrait regarder le fils dans la continuité tendue de sa dramaturgie comme les spectateurs chanceux du dernier Festival de Cannes est prié de s'arrêter là. Les Dardenne ont d'ailleurs pensé la première demi-heure du film comme un long introït, aux enjeux indéfinis : «Deux corps séparés par quelque chose qu'on ignore.»
Au bord de l'explosion. Dans un lycée d'enseignement professionnel, Olivier (Olivier Gourmet), professeur de menuiserie, semble bouleversé par l'arrivée dans les locaux d'un petit nouveau à la tignasse blonde, Francis (Morgan Marinne). On finit par comprendre que ce garçon de 16 ans a tué cinq ans plus tôt le fils d'Olivier. Le destin fait donc se croiser les deux hommes à deux reprises : une première fois sous le signe de l'ignominie du meurtre et de la privation tragique, une seconde sous celui d'un processus complexe de restauration morale.
Un individu, le fils, a été anéanti. Pour le père, le genre humain peut s'abolir dans cet événement. Il peut sortir de la société, réglée par une loi qui a sanctionné et socialement rédimé le jeune homme, vouloir se venger, tuer à son tour et s'autodétruire. Cette possibilité est omniprésente dans le film à travers la violence rentrée d'Olivier, courant en tous sens, oppressé, la colonne vertébrale électrocutée de douleurs, les reins ceinturés par un harnais de cuir, le corps perpétuellement à l