Sans le savoir, on a tous eu affaire à lui un jour. Depuis plus de vingt ans, Christophe Daube est projectionniste au Reflet Médicis, rue Champollion à Paris. Autant dire qu'il est gardien de la flamme dans la rue la plus cinéphile de la ville la plus cinéphile (1). Des films, il en a vu des paquets, mais toujours dans le désordre et rarement en entier, car il doit s'occuper simultanément de trois salles. «Aller constamment d'une cabine de projection à l'autre pour lancer les films, ça n'aide pas pour la continuité.» Il faut ensuite remonter chaque film dans sa tête, par petits bouts : Christophe Daube appelle cela une «expérience à la Pulp Fiction».
Gymnastique. La cabine de projection, le spectateur s'en fout, ou alors il l'imagine comme un antre magique où s'agite Méliès. Mais c'est plutôt Sisyphe qui turbine derrière la petite vitre. Les films arrivent par bobines de 600 mètres, qu'il faut d'abord rabouter. La grosse bobine qui en résulte (50 kg en moyenne) doit être transférée, au gré des séances, du rack vertical de stockage au plateau horizontal du projecteur, et inversement. Gymnastique complexe. «Le mal au dos est chronique dans la profession.»
Globalement, le métier n'a pas changé depuis cent ans : «On balance le film et on fume un clope à côté», rigole Christophe Daube. A ceci près qu'avant c'était plus simple, côté gymnastique. Les cabines avaient deux projecteurs, sur lesquels on envoyait tour à tour les bobines de 600 mètres. Le projectionniste devait rester là p