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Libération
Critique

«Bloody Sunday» fait date

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Paul Greengrass restitue exactement ce jour de 1972 devenu une des douleurs d'Irlande.
publié le 30 octobre 2002 à 1h35

Depuis trente ans, la même poignée de photos nous sert de mémoire, et aussi quelques minutes de film en noir et blanc qui illustrent tous les documentaires réalisés sur le Dimanche sanglant de Derry. Un prêtre bras écartés, une petite foule qui avance courbée, son drap blanc sous le feu, un cadavre à terre, bras en croix, le visage recouvert et son sang partout. Autant d'instants devenus affiches, emblèmes, icônes à la fois de la douleur catholique d'Irlande du Nord et de la brutalité de l'armée britannique.

Les paras contre la foule. C'était le dimanche 30 janvier 1972. Le Mouvement pour les droits civiques, créé en 1968 à l'image des pacifistes noirs américains, organisait une marche pour l'égalité. Demandait qu'un catholique nord-irlandais ait la même possibilité d'accès au logement, à l'emploi, à la dignité qu'un protestant d'en face. Il réclamait aussi que soit mis un terme à la loi sur l'internement, qui permettait alors d'arrêter sans raison, de détenir sans preuve et d'incarcérer sans jugement. La marche de protestation devait être pacifique. L'IRA restait hors cortège, l'arme au pied. Ses officiers avaient donné leur parole aux organisateurs. C'est dans le calme que la population nationaliste de Derry devait descendre du quartier du Bogside vers l'hôtel de ville.

Des manifestations, il n'y avait que ça, en Irlande du Nord. Et presque chaque fois, les civils catholiques se heurtaient à la police royale d'Ulster et aux soldats. Cailloux contre lacrymogènes, une sorte d'