En portant à l'écran Adolphe, le roman de Benjamin Constant, Benoît Jacquot a répondu à Isabelle Adjani, qui lui avait proposé, comme en défi, ce chef-d'oeuvre romantique un peu oublié. Défi, au sens de film impossible : rien, dans ce récit écrit en quinze jours par Constant en 1806, publié dix ans plus tard, n'a d'évidence cinématographique. Autant Adolphe est un texte fait pour être lu, intimement, ou en public comme ce fut le cas dans les salons de la Restauration, autant cette analyse minutieuse du tourment amoureux n'engendre presque aucune image. Le film tient entier dans cette forme non évidente, condamnée à l'invention et à la trahison de ce texte purement mental.
Elève de Barthes, spécialiste de Sade, romancière (les Adieux à la reine, récit de trois jours dans la vie de Marie-Antoinette), Chantal Thomas a exploré l'écriture de soi forgée à la fin des Lumières. Elle part ici à la recherche de cette forme étrange née de l'adaptation d'Adolphe, en compagnie de Benoît Jacquot, «filmeur de textes» (Duras, Lacan, Marivaux, Sade, Constant), et d'Isabelle Adjani que le cinéaste appelle «Isadj» , lectrice insatiable comme toutes les héroïnes romantiques qu'elle a incarnées, Adèle Hugo, la Dame aux camélias, Camille Claudel, et désormais Ellénore, cette femme de 40 ans qui se meurt d'amour pour Adolphe.
La nécessité d’«Isadj»
Isabelle Adjani. «J’ai lu ce roman il y a longtemps, au lycée, avec un choc physique : tout à coup, je ressentais l’amour à travers la li