Le costume 60 à fines rayures, impeccablement repassé, ne tremble pas au moment où le tueur lève le poing après avoir dégommé son rival. Son geste passe soudain de l'arrogance au tragique. Pendant quatre-vingt-dix minutes, le yakusa sanguinaire de la Marque du tueur a cherché cet affrontement, a grimpé un à un les échelons de la pègre. Il était numéro 3, il tua le numéro 2. Puis vint le duel suprême, celui qui l'oppose au numéro 1. Un combat qu'il remporte, avec aisance. Au moment précis où il se sait le plus grand gangster du Japon, il comprend qu'il est désormais devenu une proie, une cible à abattre, une forteresse assiégée, envié de tous ces nouveaux prétendants au titre, véritables loups affamés. Un numéro 1 ne peut plus tutoyer personne.
Shakespearien. La caméra de Seijun Suzuki raconte cela en dix secondes, rien qu'en se relevant lentement jusqu'à abandonner son héros à ce cercle qui désormais le jalouse. Ses cris de victoire se réper cutent à travers la pièce dans un écho douloureux. Tapis dans l'ombre, on devine les coups bas, les trahisons à venir. Shakespeare vient de rencontrer la pop culture, nous sommes en 1967 et Seijun Suzuki signe avec la Marque du tueur son roi Lear à lunettes noires. La composition ultrasoignée de chaque plan respire l'insouciance des sixties, le crime est pratiqué avec détachement et amusement.
Le héros est un junkie bizarre, qui inhale des vapeurs de riz bouilli. Les filles qui l'entourent ont ce visage ovale et long des brunes fatales, de