La cinéphilie est pleine de ressources. Elle fait voyager et apprendre les langues, sans pourtant autant expédier ses fidèles de l'autre côté de la planète. Il suffit de rester devant le grand écran parisien : il y a quelques semaines, c'était un bijou thaï, sensuel et enjunglé, Blissfully Yours, d'Apichatpong Weerasethakul ; voici une sucrerie sri-lankaise, contemplative et burlesque, This Is My Moon d'Asoka Handagama.
Devant ces ovnis, on est d'abord paumé. Il pleut, ça suinte, ça poisse de glu verte, et du cinéma émerge, s'extirpe, se montre. Dans This Is My Moon, il est fait d'une matière à peu près inconnue, un running gag couleur pastis passant à la menthe à l'eau : un burlesque à situations répétitives, une sensualité de chair suspendue dans l'attente.
Symboles ? En plein combat face aux Tamouls, un soldat cingalais décide de déserter. Un acte de couardise ordinaire pris dans une guerre qui n'a littéralement plus de sens puisqu'on ne sait plus où sont les ennemis ni sur qui l'on tire. Mais le soldat ne s'évade pas seul de ce front absurde : il est suivi, à distance, d'un Droopy femelle, une jeune Tamoule dont il a abusé, la nuit durant, qui ne le quitte pas de quelques mètres. Dans sa traversée du pays, le soldat va apprendre à connaître cette femme, à défendre l'étrangère face à la méfiance, à travailler «en couple» à des tâches aussi décalées que leur relation : faire pousser des trucs sur une terre inexploitable, multiplier les petits boulots, les petits trafics déri