Spider est un film objectivement sinistre, suave comme la terre dans la bouche des mourants. On imagine qu'en le faisant David Cronenberg ne devait s'estimer satisfait ou quitte de l'efficience de son nouvel ouvrage qu'en s'imaginant un spectateur livide sortant de la salle, tête courbée sous une pluie battante et, une fois rentré dans son gourbi exigu, plein de livres, de disques et de crasse humaine, s'ouvrant les veines. «Il y a également quelque chose d'important dans la tonalité du film, dans sa texture physique. C'est une sorte de papier mural moisi et très britannique pour lequel j'éprouve une grande fascination...», expliquait avec son humour à froid si particulier le cinéaste de Toronto dans un entretien.
Désordres organiques. Moisi et morne, déployant pour l'oeil la réjouissante gamme chromatique du vert-de-gris et de la rouille, Spider est l'adaptation d'un roman de fils d'expert-psychiatre, Patrick McGrath, gamin grandi à l'ombre portée des asiles. Bizarrement, Cronenberg a retranché du livre tout ce qui pouvait lui être a priori destiné, vu sa réputation. Par exemple, il ne reste rien dans le film des pages 259-260 de l'édition Folio qui semblent pourtant avoir été tout spécialement écrites pour lui : «La nuit, je me demande ce qu'ils trouveront en faisant mon autopsie, je suis peut-être déjà mort d'ailleurs. Sans doute une anomalie anatomique monstrueuse. Le colon enserre la partie supérieure de la colonne vertébrale comme un boa constrictor. Le rectum traverse